
La fabrique de l’honneur
Les médailles et les décorations en France, XIXe-XXe siècles
Depuis longtemps, la pérennisation du pouvoir royal s'était appuyée sur
un ensemble de techniques, de dispositifs et de pratiques de
gouvernement parmi lesquelles se distinguait l'attribution d'une
médaille ou d'une décoration qui permettait de mettre à l'honneur un
sujet.
Si les révolutionnaires de 1789 ont décrété la suppression de
ces ordres royaux, l'Assemblée nationale de 1791 a considéré qu'il y
avait toujours lieu d'attribuer des marques d'honneur aux citoyens.
Bonaparte reconnaît au Conseil d’État en 1802 qu'une telle technique
n'est pas incompatible avec l'idéal républicain: Je défie qu'on me
montre une République ancienne ou moderne dans laquelle il n'y a pas eu
de distinctions.
"Ainsi, l'honneur devient une affaire de mérite,
rationalisable et génératrice d'un nouveau modèle d'élites. Recevoir une
décoration, c'est donc être mis à l'honneur publiquement par
l'institution qui la décerne. L'individu récompensé incarne un exemple
de" vertu "et de" mérite ". L'attribution d'une médaille appartient à
une logique de" distinction "et devient progressivement une technique de
gouvernement".
Dès le début du XIXe siècle, un véritable engouement
pour les médailles et les décorations s'empare d'ailleurs de la nouvelle
société bourgeoise. L'Empire et la République irais égaleraient l’Église ont distribué chacun à profusion ces marques de reconnaissance.
Cette inflation de récompenses honorifiques qui ne se dément pas
jusqu'au milieu du XXe siècle, et dans une large mesure jusqu'à nos
jours, appelle une réflexion générale et une analyse socio-historique
qui n'a jusqu'alors guère suscité l'intérêt des chercheurs en sciences
sociales.
Préalablement considéré comme poussiéreux et futile,
réservé aux numismates et aux érudits, cet objet d'étude peut être
revisité sous une double approche qui envisage la médaille et la
décoration comme une technique relevant des"sciences de gouverneraient"
et un outil de fabrication des nouvelles élites. Pour la première fois,
une confrontation entre politistes, juristes et historiens a permis
d'envisager, à partir de synthèses et d'études de cas empiriques, les
multiples aspects qui entourent cette "technique de gouvernement" et les
différents profils (l’élite générés et légitimés par la "pratique
décorative" d’État.
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